Effets du givrage

 

    Lorsqu’un avion traverse un nuage de givre, une partie de les goutelettes d’eau surfondues sont projetées contre la surface de l’avion ( fuselage, voilure et empennage). C’est ce qu’on appelle le givrage. Habituellement, le givrage touche un appareil en fonction de ses formes et de ses angles d'exposition aux gouttelettes surfondues, mais ce qu'il y a de plus important, c'est l'endroit où il se forme. Par exemple, du givrage sur le ventre de l'appareil n'affectera pas la performance de la même façon que sur les ailes.

Pour qu'il y ait givrage, la température de la cellule doit se situer au point de congélation ou lui être inférieure. Si la cellule est à la même température que l'air environnant, il y a givrage dès que l'appareil intercepte de l'eau surfondue.

À cause des effets du frottement et de la compression, la température de la cellule est souvent plus élevée que celle de l'air ou des gouttelettes des nuages.

De plus, à des températures sous le point de congélation, la chaleur dégagée au cours de la congélation des gouttes surfondues qui frappent le bord d'attaque augmente la température de sa surface.

Le givrage a de nombreux effets sur les avions, directs ou indirects. Les conditions météorologiques hivernales ont été à l’origine de nombreux accidents dans l’histoire de l’aviation. Chaque hiver, toutes les précautions sont prises pour éviter d’arriver à ce point, et cela se répercute sur les heures d’arrivées des vols.                                                                                                                           

De plus, il est évident qu'un avion ne peut pas décoller ou atterrir si la piste est gelée. Un avion doit atteindre une vitesse d'au moins 100 à 150 km/h pour décoller, une voiture ne le pourra jamais sur du verglas, un avion non plus.

 

 

La hausse de température de la surface, associée aux vitesses de croisière des appareils à réaction, empêche la formation de givre aux températures où le contenu en eau des nuages est le plus élevé. Il est donc rare qu'il se produise un fort givrage, sauf dans les cumulonimbus. Par contre, s'il faut réduire la vitesse pour une descente ou une approche finale, il arrive que le givrage dans les nuages ou les précipitations glacées crée problème.

L'intensité du givrage dépend d'autres facteurs. Par exemple, si un appareil entre dans une zone de givrage en étant déjà porteur de petites quantités de givre blanc ou de gelée blanche, les endroits déjà touchés seront les premiers à se couvrir de givre transparent..

Un appareil léger sans protection antigivrage peut avoir des difficultés à voler dans des conditions de givrage léger, alors qu'un appareil à réaction, à cause de sa grande vitesse et de l'élévation correspondante de la température de la cellule, peut voler dans une zone de fort givrage, pourvu qu'il conserve une vitesse suffisante pour empêcher toute formation de givre.

Taux de prise

    Le taux de prise désigne la quantité d'eau interceptée par un appareil en vol (se mesure par rapport à un temps donné).

Ce taux varie selon le contenu en eau liquide du nuage (CEL), la grosseur des gouttelettes, la vitesse et le genre de voilure de l'appareil. Pour le contenu en eau liquide, voir la partie Formation du givre.

Pour une vitesse donnée, les petites gouttelettes ont tendance à suivre la circulation de l'air et à contourner le profil de l'aile, tandis que les plus lourdes ont tendance à y échapper et à frapper l'aile. Ainsi le taux de prise est supérieur en présence de grosses goutelettes.

La relation entre la vitesse de l'appareil et le taux de prise est évidente, si on considère que plus la vitesse augmente, plus le nombre de gouttelettes interceptées en un temps donné augmentera lui aussi. De plus, il existe une relation directe entre le rayon de courbure du bord d'attaque de l'aile et son taux de prise (des ailes minces interceptent plus de gouttelettes par unité de surface de bord d'attaque que des ailes épaisses).

En conséquence, on peut dire que le taux de prise est probablement le plus élevé lorsqu'un appareil aux ailes minces vole à grande vitesse dans la base d'un nuage où il y a une  quantité de grosses gouttelettes surfondues importantes (cas du givre transparent).

De plus, si la température est juste sous le point de congélation et que le nuage est à haute altitude, le givrage sera important.


Modification du profil aérodynamique

    L'effet principal du givrage de la cellule (fuselage de l’avion) est de détériorer ses qualités aérodynamiques en brisant l'écoulement d'air, réduisant ainsi la portance et augmentant la traînée. Même une légère formation de gelée blanche, de précipitations glacées ou de neige se collant à la voilure peut rendre le décollage dangereux.

En effet, comme la portance est créée par le flux d'air autour de l'aile, toute modification de la surface de celle-ci, comme des bords d'attaque, perturbe cet écoulement et le rend par conséquent moins efficace.


Augmentation de la traînée

    Une couche de givre (la neige est aussi concernée) qui s’est déposée sur la surface de l’avion perturbe l’écoulement de l’air et change donc totalement ses propriétés aérodynamiques. La surface ailaire (des ailes) est la principale victime.

Cet amas de givre a pour conséquence :

 - Une augmentation de la traînée. En effet, le givre accumulé n’a pas une surface lisse comme l’aile qui permet un écoulement d’air optimal. Il y a plus de frottement avec l’air.

De plus un profil d’aile givré offre plus de résistance et déplace plus d’air. L’écoulement de l’air peut devenir turbulent, ce qui crée une force de traînée supplémentaire.


Rappel et calcul de la traînée
    La force de traînée peut être calculée à partir de:

  • un coefficient appelé Cx ,(Le Cx est le coefficient de traînée, il est déterminé expérimentalement en soufflerie)
  • de la vitesse du fluide,
  • de sa densité,
  • et de la surface de référence (qui est exposée)

avec cette formule:
p est la masse volumique du fluide en KG/m3
S la surface de référence en m²
v la vitesse relative du fluide en m/s (la vitesse relative de l’air correspond a celle de l’avion).



Le coefficent Cx augmente beaucoup en l’apparence de givre (voir Résultats de test en soufflerie).

Diminution de la portance

    L’air ne sécoule pas normalement le long de l’extrados. Il peut se créer une zone de turbulence à l’arrière de l’aile à partir d’angle d’incidence beaucoup plus faible qu’à la normale. L’ammassement de givre peut même créer une zone de turbulence en vol en palier si son épaisseur sur la partie avant de l’aile est trop importante. Ainsi la portance maximale déjà diminuée est atteinte avec un angle d’incidence inférieur.

 

                
            Ecoulement de l’air sans et avec ammassement de givre sur l’aile

Calcul de la portance
    La portance est calculée d'apres :

  • un coefficient mesuré en soufflerie appelé Cz ou coefficient de portance
  • la surface projetée au sol
  • la vitesse
  • la densité du fluide traversé.

Le Cz ou coefficient de portance, est mesuré en soufflerie et il existe des bases de données disponibles pour de nombreux profils à des vitesse et des incidences différentes
La portance est en général la force nécessaire pour faire voler l'aile avec sa charge elle est liée à la traînée qui devra être compensée par une poussée au moins égale pour décoller
Dans le cas des profils mesurés en soufflerie, la portance se calcule d'après la surface projetée au sol.

La portance s’exprime en Newtons
Cz, coefficient donc sans unité
p est la masse volumique du fluide en KG/m3
S la surface maximale projetée au sol en m²
v la vitesse relative du fluide en m/s



Le coefficient Cz diminue avec l’apparition de givre (voir Résultats de test en soufflerie).


Courbes du profil aérodynamiques d’une aile à différents niveaux de givrage

 

A la suite de l’incident de Hanovre en 1969, Fokker a réalisé des essais en soufflerie sur une aile contaminée par des grains correspondant à des aspérités, à l’échelle réelle, d’un millimètre, répartis sur la surface de l’extrados à raison d’une aspérité par centimètre carré. Cela correspond à une contamination légère par une chute de pluie verglaçante ou de neige. Ces essais ont montré que, lorsque le bord d’attaque est contaminé, la réduction de la portance maximale est de l’ordre de 25 % et celle de l’incidence de portance maximale d’environ 6°.

Exemple : sur DC-8, pour une contamination de 0,7 mm, la perte de portance est de 18 % à ¼ de l’envergure et de 27 % à hauteur des ailerons.


Résultats de test en soufflerie
https://docs.google.com/file/d/0B1UeIiyPCEeTTVhHSDVuTk5yMzA/edit


Au décollage

    C’est au décollage qu’un décrochage peut être fatal. L’appareil étant très proche du sol, il mène le plus souvent à un incident. Ainsi, il est interdit de décoller avec un dépôt de glace sur la structure (on tolère 3mm d’une fine couche de givre au niveau intrados des réservoirs de carburant).

Pour cela, on procède on procède à un dégivrage avant le décollage si du givre est présent sur l’aile (voir partie Résolution des problèmes causés par le givrage).

Dans l’histoire de l’aviation, on peut relever de nombreux accidents causés par un dégivrage mal opéré ou un délai d’attente trop long après celui-ci. Parmi les plus meurtriers, on peut citer :

- le vol 1713 Continental Airlines en 1987, décrocha au décollage. Après le dégivrage de l’avion, une vingtaine de minutes s’écoulèrent avant son autorisation de décoller. Entre temps l’appareil avait largement eu le temps de se faire à nouveau <> par le givre. Cet incident fit 28 victimes.

-le vol 90 Air Florida, en 1982 : le dégivrage fut effectué avec un fluide dont la part de glycol était trop faible. Aussi semble t-il que l’appareil n’ait pas été totalement <>. Les pilotes négligèrent cette couche de givre restante et n’activèrent pas les systèmes de dégivrage. Le résultat : 78 victimes.


En vol

    Le décrochage d’un avion en vol ne conduit pas forcément à un accident. L’altitude permet aux pilotes de réagir. L’angle d’attaque doit être réduit afin de récupérer de la vitesse.

Cependant, le givrage à déja causé plusieurs accidents dans l’histoire. On peut citer  :

-le vol 4184 American Eagle de 1994: un ATR s’écrase entre Indianapolis et Chicago, à la suite d’une trop grande quantité de givre accumulé qui a mené au décrcohage en plein vol.

Cet accident entraîne la mort de 68 personnes (aucun survivant).

-le vol 708 West Caribbean Airways, en 2005, s’est écrasé dans les mêmes circonstances, au Venezuela, causant la mort de 160 personnes (aucun survivant).

-plus récemment, la disparition de l’Airbus A330 du vol 447 Air France reste encore un mystère. Le crash est dû à un décrochage dont on n’a pas pu déterminer les causes. Toutefois, les informations érronées des instruments étaient dû au givrage.

 

Augmentation du poids

    Le givre qui s’ammasse sur la surface de l’avion a un certain poids. En faible quantité, il ne pose pas de problèmes. Mais plus la surface exposée est importante (notamment les ailes et le fuselage avant),plus la quantité de givre augmentera et donc plus la masse du givre accumulé augmentera. Cette masse en plus entraine une plus grande consommation de carburant, et (pour les petits aéronefs) elle peut même présenter un risque d’accident si le moteur de l’appareil n’est plus assez puissant.


Calcul masse avion : exemple pour un avion Robin DR 400-120.

 

  Masse (kg) Bras de levier (m) Moment (m.kg)
Masse à vide 572 0,35 200,20
Pilote + pax avant 82 + 50 0,41 54,12
Pax + bagages 66 + 54 1,19 142,80
Bagages en soute 40 1,90 76,00
Carburant 36 1,12 40,32
Total 900 0,570 513,44

Source : BEA (Bureau d’Enquête et d’Analyses pour la Sécurité de l’Aviation Civile)Accident survenu le 6 janvier 2003 à la Ravoire (73) au Robin DR 400-120 immatriculé F-GGJR
https://www.bea-fr.org/docspa/2003/f-jr030106/htm/f-jr030106.html

 

Les limites fixées par le constructeur sont les suivantes :

- Masse maximale 900 kg,

- Centrage compris entre 0,205 m et 0,564 m.

Par ailleurs, à cette masse, il convient de rajouter la masse du givre et de la glace qui recouvraient l'avion, et qui peut être évaluée à une masse minimale de 20 kg (1 mm de glace sur une surface totale de 20 m²).

Une Hauteur de 1mm/m²  cela fait 1L/m²  donc 1kg/m² pour une couche de givre de 1mm/m²

Cependant lors de la traversée d’un nuage de givre, on peut atteindre des plusieurs millimètres de givre. Calcul pour 3 mm : 3kg/m² x 20m² = 60 kg en plus !! Soit 7% de la masse maximale tolérée.

Pour un avion de ligne (exemple : Boeing 737)

Données : Masse à vide 32 820 Kg          Masse maximale au décollage 56 470 Kg

Surface exposée : environ 200m²

3mm (peuvent être tolérés pour les avions commerciaux) de givre  = une masse de 600kg supplémentaire, même si pour ce type d’avion, elle ne représentera qu’environ 1% du poids de l’appareil. Cela sera plus imortant à prendre en compte pour les petits appareils (monoplace et biplace).

 

Autres effets

 

Indications des instruments éronées

    La glace bouchant les tubes de Pitot et les prises statiques met anémomètres, altimètres et autres instruments connexes hors service en quelques secondes. En outre, les prises statiques de certains appareils sont situées à des endroits où la formation de glace brise l'écoulement d'air, faussant les lectures données par les instruments.

Sonde pitot gelée

 

Givrage du carburant  

    Chaque type de carburant a des caractéristiques propres en matière de point de congélation et des limitations d’utilisation pour chaque type d’appa-

reil lui sont associées.

Exemple : température de congélation du carburant JET  A1 (utilisé en France pour tous les avions à turboréeacteurs ) = - 47°C

Outre les caractéristiques de chaque carburant, la présence d’eau dans les réservoirs à des températures négatives entraîne la formation de cristaux de glace. Lorsque la température s’abaisse au-delà de -18° (rarement mais envisageable en altitude), ces cristaux s’agglomèrent ce qui peut perturber l’alimentation des moteurs (particulièrement si des systèmes d’élimination de l’eau sont défaillants) voire même leur extinction.

 

Givrage moteur (du carburateur)

    Le givrage s’opère dans l’entrée d’air par accumulation de neige/glace qui obstrue le conduit aérodynamique et diminue ainsi le rendement du moteur. Ces accumulations peuvent s’opérer au sol (absence de contrôle de l’entrée d’air, roulage sur les taxiways contaminés) ou en vol lorsque les dispositifs de protections ne sont plus suffisants. Elles peuvent se détacher des entrées d’air et entrer en contact avec les aubages du compresseur. La présence de contaminants sur les aubages du compresseur peut générer d’importantes vibrations imposant des limitations d’utilisation du moteur.

Le roulage est particulièrement propice au givrage des turboréacteurs puisque tournant à faible régime, le givre peut se former dans l’entrée d’air ou sur les aubages, et le moteur atendance à aspirer les contaminants sur les aires de roulage.

Le givrage du carburateur et des entrées d'air peut entraver l'arrivée d'air du moteur. Dans ce cas, il en résultera une baisse de puissance pouvant aller jusqu'à la panne de moteur. Pire, par ciel clair et humide il risque d'y avoir givrage sur ces pièces, même si la température de l'air est légèrement supérieure au point de congélation.

 

Augmentation de la consommation de carburant

Le poids de l’appareil plus important (vu plus haut) mais aussi moins bonnes performances du moteur entraînent une surconsommation de carburant pour atteindre des performances habituelles.

 

Blocage des gouvernes et des volets

    L’eau (due aux précipitations) qui est présente ( par exemple dans les gaines des commandes ) peut geler et paralyser + formation possible de liquide a partir de résidus des fluides de dégivrage et des précipitations ; le liquide peut lui aussi geler.

 

Givrage du pare-brise

    L'accumulation de glace sur les pare-brise et les verrières gêne sérieusement la vue des pilotes. Même une mince couche de gel peut poser un grave problème durant l'atterrissage et le décollage. Malgré un antigivrage des glaces actif, il peut parfois être insuffisant en cas de givrage fort et entraîner la perte des références visuelles.

 

Blocage des issues

    Les joints des issues peuvent geler et empêcher leur ouverture et rendre hasardeuse une évacuation.

 

Obstruction des drains

    L’accumulation de glace sur les drains et mises à l’air libre, peut provoquer des disfonctionnements (circuit carburant).

 

Mauvais fonctionnement du train d’atterrissage

    L’accumulation de neige ou de « slush » (lorsdu roulage ou du décollage) sur les portes ou les contacteurs peut perturber la manœuvre du train d’atterrissage. La présence de slush autour des roues peut également provoquer leur blocage.

 

Altération des communications radio

    Le givrage des antennes peut perturber les signaux radio par distorsion du signal ou provoquer une altération mécanique de l’antenne en engendrant des vibrations. Théoriquement, elles peuvent même finalement se briser. Cette situation peut entraîner un bris de communication.